mardi 29 août 2017

Grossesse arc-en-ciel

29 août 2017-

Le test est positif.

Voilà... ce sera probablement le dernier essai pour nous.

Après une fausse-couche tardive et une MFIU, je ne sais pas quelles sont mes chances de mener une grossesse à terme désormais... mais elles sont de toute évidence très faibles, du coup je ne remets rien en question dans ma vie actuelle.

J'ai un concours à passer en février/mars, un autre examen en juin, je poursuis donc mes révisions comme si cette grossesse n'existait pas.

Quand, il y a un an de cela, j'ai appris que j'étais enceinte pour la 4ème fois, j'ai été folle de joie. Je me suis sentie portée. J'avais fait mille projets, je me réjouissais tellement d'accueillir ce 4ème bébé dans notre foyer, comme nous avions accueilli ses 3 frères et soeur avant lui. J'étais parfaitement sereine.
 Hélas, ce petit bébé n'est jamais né.

Quand je suis tombée enceinte à nouveau en novembre, après cette première fausse-couche, j'ai pleuré d'angoisse et de peur absolument tous les jours, jusqu'à ce que j'apprenne que ce bébé-là ne vivait plus, lui non plus.

Cette fois-ci, je ne ressens rien. Je ne me projette plus avec bonheur à la lecture d'un test positif parce que je sais que tout peut arriver, et la vie s'est chargée de m'apprendre que l'angoisse et la peur ne suffisent pas à garder un foetus en vie.

C'est bizarre. Je suis enceinte sans pouvoir me dire que je vais effectivement avoir un bébé dans 9 mois. C'est un peu le chat de Shrödinger de la grossesse, cet état.

Après la MFIU j'ai fait environ trouze milliards d'examens. Tout, absolument tout est revenu normal. Mon gynécologue, le Docteur B., est donc particulièrement serein, lui, dans la mesure où j'ai mis au monde 3 enfants vivants et en santé avant ces deux épisodes.

Il me dit que la première fausse-couche était un coup de pas de bol (les fc c'est en moyenne une grossesse sur 4), que la seconde n'en est pas une puisque c'est assurément le virus de la grippe qui a tué le bébé, il s'agit donc d'une MFIU et c'est différent.

Donc lors de notre dernier rdv il m'avait dit "allez hop hop hop maintenant hein. Parce que bon vous avez 39 ans, on ne va pas non plus attendre 107 ans pour s'y remettre alors que tous les examens sont normaux".

Il m'avait prescrit 2-3 trucs à prendre dès le test positif pour réduire les risques de fausse-couche (aspégic nourrisson, progestérone... mais bon, j'ai travaillé toute ma vie dans l'industrie pharma, je sais ce que c'est qu'un placebo).

Je n'ai même pas encore fait de prise de sang pour confirmer le test pipi. Je ne suis absolument pas investie.
S'il s'accroche c'est bien, mais rien de ce que je peux faire ne le fera s'accrocher si lui non plus n'est pas viable, donc se torturer l'esprit ne sert à rien...

Je ne suis pas terrorisée (ça c'était plus pour ma dernière grossesse, j'étais vraiment dans un état d'anxiété inimaginable, à vérifier ma culotte 45 fois par jour de peur d'y voir du sang, à multiplier les prises de sang pour vérifier que le taux ne baisse pas, les échos toutes les 2 semaines, en espérant le voir vivant, mais en redoutant de tout mon être de le voir mort).
J'ai eu beau être terrorisée, stressée, bouleversée, rongée par l'inquiétude, mon bébé est mort quand même.

J'ai complètement assimilé le fait que la frayeur ne change rien. Je n'ai pas peur. Je me sens juste... je ne sais pas, insensible. Désarmée. Incapable. Inféconde. Je ne me penche pas vers ce bébé, et je ne le laisse pas m'atteindre. Je ne sais pas si c'est beaucoup mieux mais au moins, s'il part, j'aurais moins l'impression de perdre l'esprit sous le poids de cette tristesse et de cet espoir perdu.

Je ne fais évidemment aucune hiérarchie dans la souffrance que représente une grossesse à risque, les menaces d'accouchement prématuré... je sais toute l'angoisse, toute la peur, toutes les larmes que représentent cette période d'incertitude, aussi longue fût-elle, et quelle qu'en soit la raison. Aucune mère ne devrait avoir à vivre cela.

Mais si on m'avait dit : "votre embryon n'a pas réussi à s'implanter correctement. Il y a un problème au niveau de votre endomètre. Il y a eu un hématome, il y a eu un décollement"... j'aurais su que, pour la grossesse suivante, repos absolu et progestérone auraient été prescrits, probablement à raison.

Mais quand rien ne va mal ? Quand ta grossesse se passe de façon absolument normale, quand les nausées sont là pour bien te pourrir tes matinées (mais que tu les accueilles avec joie en te disant que c'est le signe que tout va bien), que tes seins sont tendus et douloureux, que ton ventre s'arrondit, que sur toutes les échos tu vois un bébé qui pète la forme au sein d'un environnement utérin impeccable, et puis qu'un matin on te dit que son coeur est arrêté depuis deux semaines, dix jours... et qu'on ne sait pas, que personne ne sait pourquoi.
Que c'est comme ça, ce sont des choses qui arrivent, c'est la vie, personne ne peut rien faire.

Lors de ma précédente grossesse, à l'écho des 12 SA le médecin m'avait dit "eh bien voilà !! On est sortis de la période à risque, fini le risque de fausse-couche !". Le foetus est mort à 15 semaines, tué par une grippe maternelle fulgurante.

Donc non, finalement le coeur d'un bébé peut s'arrêter n'importe quand. A 15 semaines comme moi, à 20 semaines, à 30, juste avant l'accouchement... aucune médecine ne sait le prévenir, et personne ne sait pourquoi cela arrive.

Quand cette incompréhension totale te fouette de plein fouet, à deux reprises, tu finis par développer une sorte de fatalisme résigné. A quoi ça sert tout ça finalement ?

Je me fiche de mes fonds de culotte. Je n'ai fait aucune prise de sang. Je n'ai encore même pas vu de gynéco.

dimanche 6 août 2017

Les petites et grosses colères de Vésiculette

Très tôt au cours de cette grossesse (je dirais vers le mois de septembre, j'étais alors enceinte de 4 ou 5 semaines seulement), Vésiculette a manifesté sa présence.

Je n'avais pas trop conscience de son existence, moi, jusqu'alors... et je m'en portais fort bien.
J'aime manger, j'adore cuisiner, pâtisser... je suis super gourmande et ma petite famille aussi.

Elle était particulièrement mécontente quand je mélangeais le gras et le sucre (les produits Kinder notamment la mettaient fort en colère).

En octobre-novembre, j'ai débuté un stage en crèche et j'ai commencé à être assez souvent malade. Mal au ventre, nausées, troubles gastriques divers... J'avais préparé une petite trousse à emmener partout avec du doliprane, du spasfon, du maalox. 

Mais à cette époque je mettais encore ces manifestations de colère sur le compte de ma grossesse, de la restauration en liaison froide de la crèche, des gastro-entérites qui couraient dans la crèche...

Début décembre, alors que mon stage se terminait, que j'avais dépassé le stade de la MFIU de mon précédent bébé, et que donc je commençais à me poser un peu auprès de ce nouveau bébé, j'ai appris le décès accidentel et soudain de mon papa.

Je ne sais pas dans quelle mesure ce gros choc émotionnel a joué un rôle dans la suite, toujours est-il que c'est très peu de temps après ce décès que Vésiculette a fait sa première grosse, grosse colère.

J'avais cuisiné des oeufs brouillés aux pommes de terre. Avec les oeufs de nos poules et de délicieuses pommes de terre bio rissolées à la poêle, puis des herbes du jardin... simple, mais un véritable délice. Tellement délicieux, j'en ai mangé deux grosses assiettes.

Et cette nuit-là Vésiculette a fait sa première grosse crise.

Techniquement, une vésicule qui contient des lithiases (calculs) peut rester asymptômatique très longtemps. Il y a des personnes qui vivent toute une vie avec une vésicule pleine de calculs, sans jamais avoir de douleurs !

Mais le jour où elle commence à dysfonctionner, ça n'ira jamais mieux. A cet instant-là, quand la vésicule se contracte trop les calculs commencent à migrer, et c'est la crise de colique biliaire.

Le surlendemain j'avais fait de la semoule au lait et du poisson pané, et Vésiculette me les a mis pour chapeau. Cinq heures de crise et une hospitalisation de 5 jours en chirurgie viscérale.

Normalement, Vésiculette aurait du dégager fissa, dès les premiers symptômes. Quand la vésicule commence à dysfonctionner, les calculs biliaires peuvent migrer (c'est ce qui est à l'origine de ces attaques dont la douleur est horrible) et s'ils migrent dans le pancréas au lieu de dégager tous seuls par la voie normale, c'est la pancréatite aigüe. Cette maladie est potentiellement mortelle.

Mais dans mon ventre il y a un petit bébé qui ne peut pas subir une chirurgie sous AG. Les chirurgiens sont tous d'accord entre eux : nous allons attendre que le bébé soit né.

L'ennui, c'est que parfois, ses colères sont vraiment disproportionnées.

Début mars, j'avais confectionné le gâteau préféré de Fils Aîné, 8 ans : un moelleux à l'ananas caramélisé.

C'est un simple petit gâteau au yaourt, avec du beurre et des oeufs bien sûr, du caramel et de l'ananas.

J'en ai goûté un morceau, absolument minuscule. Si si, vraiment. Pas plus d'1 cm cube à tout péter.

Mauvaise idée.

Vésiculette m'a envoyée fissa aux urgences avec une pancréatite aigüe. Oui oui, la maladie potentiellement mortelle.
Je vous l'avais dit : on ne plaisante pas avec Vésiculette.


Depuis, j'essaie vraiment de la chouchouter, parce qu'il faut tenir bébé encore quelques semaines au chaud. En la ménageant, en évitant ses colères... pour qu'en retour elle me laisse terminer cette grossesse tranquillement.

Ce n'est pas évident. Elle est très susceptible. Un rien la fâche.
Elle râle si je mange plus d'un quart de cuiller à soupe de matières grasses par jour. Elle râle si mes portions sont trop grosses. Mais elle me punit aussi si je ne mange pas assez, ou si je garde un laps de temps trop important entre deux repas.
Mais tant que ce sont de petites colères (nausée, diarrhée, vésicule douloureuse), je gère encore bien.

Elle me prévient quand je dépasse les bornes (un peu comme Maurice le poisson rouge), et désormais je tiens compte de ses avertissements.

mercredi 2 août 2017

Premier post !



Je suis une femme de 40 ans, tout pile.

J'habite avec mon compagnon une jolie maison dans un endroit magique, entre mer et montagne, sous un ciel toujours bleu.

J'ai eu la chance de pouvoir mettre au monde 3 enfants absolument extraordinaires.

Après de nombreuses mésaventures, et le deuil très difficile de deux bébés que je ne pourrai jamais serrer contre moi, un nouvel enfant, très désiré, a fait son nid en moi.


Bien sûr, c'est une grossesse psychologiquement compliquée, comme toutes les grossesses qui suivent une ou plusieurs fausse-couches.

Pendant toute la première moitié de cette grossesse, je n'ai absolument pas réussi à me projeter, à me connecter à ce bébé, de peur de revivre la même souffrance, le même arrachement, le même vide.

Mais ce bébé-là va bien. Il s'accroche.

Dès les premiers mois, j'ai connu de très nombreux soucis gastriques, que je mettais sur le compte de ce début de grossesse. Nausées, vives douleurs gastriques, diarrhées parfois...

Jusqu'au jour où un évènement survint de façon tout à fait inattendue, en fin de soirée. J'étais alors enceinte de 20SA.

Une douleur horrible, insoutenable prit naissance dans ma poitrine. Comme une sorte d'étau qui serre très très fort la poitrine (j'ai cru faire une crise cardiaque !), juste au-dessous des seins, surtout du côté droit.

Puis une seconde crise survient, le surlendemain, beaucoup plus longue cette fois-ci (5 heures non-stop). Fuck le samu avec leur gastro, je file aux urgences.

Là, j'ai enfin droit à une échographie, et le diagnostic tombe : lithiases biliaires (c'est à dire des calculs dans la vésicule biliaire), et un début de cholecystite (inflammation/infection de ladite vésicule). Je suis hospitalisée en chirurgie viscérale au Centre Hospitalier de Monaco.

Compte tenu de ma grossesse en cours, le chirurgien décide de ne pas opérer.

Après quelques jours d'hospitalisation sous antibiotiques IV pour guérir l'inflammation, j'eus pour instruction de rentrer chez moi, et de mener ma grossesse à terme avec "un régime léger, sans gras".

En me documentant sur les groupes de paroles dédiés aux personnes souffrant de lithiases biliaires, je vis tout de suite que les recommandations étaient beaucoup plus compliquées que ça, en réalité :

Pas de matières grasses. Aucune. Ni cuite, ni crue.

Pas de sucre : aucun produit sucré, surtout le sucre raffiné, mais globalement tous les sucres.

Pas de produits laitiers.

Pas d'oléagineux.

Pas de café, pas de thé.

Pas de viande rouge, ni de viande grasse.

Pas d'oeufs. Jamais. Sous quelque forme que ce soit.

Pas d'alcool (mais enceinte cela va de soi)

Pas de poissons gras.

Pas d'épices.

Pas de féculents "blancs".

Pas de légumes difficiles à digérer.

Aucun aliment industriellement transformé.

De toutes petites portions, mais plusieurs fois par jour.


J'avais ordre de retourner directement aux urgences en cas de nouvelle crise.

C'est ce qui arriva à deux mois et demi plus tard, à 31SA (avec une pancréatite aigue, rien que ça) pour avoir goûté un morceau d'environ 1cm3 de gateau au yaourt.


Me voici arrivée à 35SA au moment où j'écris ces lignes. Huit mois et demi de grossesse. Le bébé va bien, il grossit et grandit normalement. Mais moi je n'ose plus rien manger.

J’alterne donc entre pommes de terre, courgettes et haricots verts cuits à la vapeur sans le moindre assaisonnement, de la dinde ou du blanc de poulet bouilli, et du riz complet ou des pâtes complètes en très petite quantité.

En collation, compote de pommes sans sucre ajoutés, une demi-pomme, ou une petite banane, avec du pain complet. Quelques pruneaux pour stimuler le transit, et bien sûr de l'eau ou des tisanes.


Je devrais consommer dans les 2400 calories quotidiennes, je tourne joyeusement à 600 ou 700. J'ai perdu 15 kilos depuis le diagnostic initial et la perte de poids est régulière et constante.

Lors de ma dernière hospitalisation pour pancréatite, j'étais tellement anémiée que j'ai fait un malaise avec une tension tombée à 6... j'ai eu, du coup, droit à deux cures de veinofer (et à une jolie phlébite au poignet).

Comment est-ce que tout cela va se terminer ? Pour ce bébé ? Pour moi ?


Ajoutez à cela que j'ADORE cuisiner, que les jours où la dénutrition ne m'affaiblit pas trop, je continue à cuisiner des petits plats pour les miens.

Et que c'est une torture, à chaque fois, mais que j'ai besoin malgré tout de rester connectée aux aliments, de ne pas oublier le plaisir de les manipuler, de les cuisiner, même si je ne peux même plus, désormais, ne serait-ce que goûter à ce que je cuisine pour en vérifier la cuisson ou en rectifier l'assaisonnement : trop risqué.

Parfois je n'ai pas de mots pour décrire ce que je vis... parfois au contraire je ressens le besoin urgent d'extérioriser cette immense frustration, alors, pourquoi pas ici...

Ma grossesse et mon énorme perte de poids concomitante sont une source de stress immense, s’additionnant à l'angoisse créée par l'état de ma vésicule, de ses douleurs et des risques encourus (la pancréatite est une maladie potentiellement mortelle, tant pour le foetus que pour la mère).

Techniquement, je n'ai pour le moment pas le choix, je dois attendre. Les chirurgiens évoquent un délai de 3 mois post-partum pour une cholécystectomie (le terme technique pour l'ablation de la vésicule), pour laisser au corps le temps de se remettre de l'accouchement... je ne suis donc pas sortie de l'auberge.

Mais j'essaie de garder moral et courage...

Bientôt, je célébrerai à la fois l'arrivée d'un beau bébé, et le départ de cette satanée Vésiculette !