mardi 26 septembre 2017

Echo de datation

26 septembre 2017 -

Alors j'ai fait une écho aujourd'hui.

Je n'avais pas du tout fait de prise de sang (à quoi bon...) et le Docteur B. qui me suit à l'hôpital de Monaco, reste habituellement assez bienveillant quant à mes refus et mes réserves. Mais il m'a dit qu'on ne pouvait pas écarter l'écho de datation, qui permet de savoir si la grossesse est évolutive ou pas. J'ai dit ok.

Après tout si celui-ci non plus ne vit pas, autant le savoir et le prendre en charge dès maintenant plutôt que le découvrir fortuitement durant mon stage en crèche, qui débutera dans quelques semaines.

Le médecin qui fait l'écho est l'associée du Dr B. qui est un spécialiste de renommée internationale en termes d'échographie obstétricale, basé à l'hôpital de Monaco où je suis suivie.

Elle est ultra-compétente, mais aussi très terre-à-terre. Elle prend connaissance de mon dossier, les deux fausses-couches tardives, les tests, les bilans, puis elle me dit : "mais... mais vous avez trois enfants ??!"
"oui...?"
"Ah boooon, mais ça va alors ! Vous avez suffisamment donné ! Pourquoi vouloir en faire un 4ème ?! Trois enfants c'est largement suffisant, vous êtes assez occupée comme ça !"
"Parce que ce 4ème enfant, c'est notre souhait. Enfin... c'était notre souhait."
"Ah oui. Enfin, parfois vous savez, il vaut mieux ne pas forcer la nature."

C'est tout à fait mon état d'esprit actuel. On est sur la même longueur d'ondes.

Elle commence en endo-vaginal mais ma vessie étant littéralement sur le point d'exploser (la secrétaire m'avait dit qu'il valait mieux y aller vessie pleine), elle ne voit rien. Ni embryon, ni poche.

Alors elle passe en abdominal et m'enjoint à regarder l'écran. Je refuse. Je n'en ai pas la moindre envie. J'avais regardé de toutes les fibres de mon être ces bébés resplendissants de santé virevolter, gigoter avec fougue. J'avais passé et repassé ces images dans ma tête. J'avais projeté une identité pour eux, je m'étais projetée avec eux.

La seule image qui me reste, qui me hante encore à ce jour, est celle de mon dernier bébé, inerte sur cette image en noir et blanc, bougeant doucement avec les ondes du liquide amniotique alors que ma sage-femme secoue frénétiquement mon ventre pour "le réveiller, il est sûrement entrain de dormir, allez bébé, bouge !".

Je ne veux plus vivre ça. Plus jamais.
Elle comprend. Elle me dit qu'elle va malgré tout actionner le doppler cardiaque, car cet embryon-là est bien en vie pour l'instant, et que cela fait partie de l'examen. Je me dis qu'elle ne serait sans doute pas obligée de mettre le son si elle le voulait, mais je comprends pourquoi elle le fait.

J'entends ce bruit, ce coeur qui galope, insolent, assourdissant. Cela ne me fait rien. Je ne me sens pas joyeuse, pas soulagée. Les deux autres aussi, à ce terme-là, avaient un coeur qui battait à tout rompre. Et qui s'est arrêté quelques semaines plus tard.

Je sais donc qu'il n'y a qu'un seul embryon. Que pour l'instant son coeur bat encore. Qu'il n'y a rien à signaler d'anormal. Comme les deux autres. Voilà.

Je me sens... épuisée. J'ai passé 9 mois, au cours de cette dernière année à vivre enceinte. Neuf mois composés UNIQUEMENT d'un premier trimestre de grossesse, ce premier trimestre qui te lamine, qui te broie littéralement sous la fatigue, qui te malmène sous les nausées constantes, celui que tu supportes habituellement avec joie parce que tu sais qu'il ne dure que 3 mois et qu'au bout des 6 mois suivants, il y aura un bébé. Moi je n'ai aucune certitude.

J'entame ma 9ème semaine, je reste dans cette période formidable où les embryons meurent in utero, à tout moment, comme ça, sans crier gare, parfois sans le moindre symptôme qui t'avertit que c'est terminé. Je finis par connaître cela par coeur. Mon esprit et mon coeur n'arrivent plus à fabriquer les sentiments qui vont avec, tout ça est finalement trop aléatoire.

Je me suis pris une bonne droite, puis une sacrée gauche, qui m'ont mise à terre et dont j'ai eu toutes les peines du monde à me relever. Si je m'investis, si je me projette comme les fois précédentes, un uppercut me laissera définitivement KO. Je ne peux pas prendre ce risque.