Nous sommes le 9 décembre 2017. Mon papa est mort ce matin.
Je suis enceinte de 20 semaines.
Mon père est un peu baroudeur, il voyage beaucoup. Il était pour l'instant avec son épouse chez les parents de celle-ci, dans le Nord... moi je suis dans les Alpes Maritimes.
Mon frère et ma soeur vont bien sûr monter pour assister à la crémation.
Je veux absolument les accompagner, mais d'un autre côté j'ai une peur terrible de prendre l'avion enceinte et qu'il arrive quelque chose au bébé.... je me sens super égoïste de penser ça (en plus de tout le reste).
J'étais tellement pas prête.
Les maladies sont horribles à vivre pour les accompagnants, mais ne préparent-elles pas, quelque part, à la mort lorsqu'elle est inévitable ?
Alors que là, un papa en pleine forme la veille, et mort d'un AVC le lendemain, c'est le choc total.
Alors du coup, comme il n'est jamais là (ou très rarement) je ne me rends pas du tout compte qu'il est mort. Que je ne le verrai jamais plus vivant. Ca reste abstrait. Comme un peu fantasmagorique.
Son épouse était dans tous ses états au téléphone, et c'était moi, parfaitement calme, qui la consolais.
Je pense que mon inconscient gère ça un peu à la façon de Scarlett O'Hara dans Autant en Emporte le Vent : "Bon je sais que ce qui vient d'arriver est très grave mais je ne vais pas y penser maintenant. Si j'y pense maintenant, toutes les vannes vont lâcher et ça va être très très moche, et j'ai tellement de choses à gérer là tout de suite que je dois rester forte. J'y penserai plus tard, quand ce sera le bon moment".
Alors que faire ?
Je lis qu'il y a des risques de phlébite à prendre l'avion enceinte.
Si j'y vais en train il faut changer à Paris, et aller de la Gare de Lyon à la Gare du Nord... donc du piétinage en perspective.
Je ne sais pas.
Quelle que soit la raison, fût-elle totalement justifiée, jusqu'à la fin de ma vie je me sentirai comme la dernière des dernières si je ne suis pas sur place pour dire aurevoir à mon père le jour de ses funérailles.
Et c'est parce que le contexte de cette grossesse est totalement particulier, fait d'inquiétude, d'anxiété permanente et de non-confiance en moi/mon corps que j'ai si peur pour le bébé.
Enceinte de Fils Aîné, j'ai pris l'avion pour la Suède avec PapaChan, marché des heures durant dans la campagne suédoise gelée avec lui, et pas une seule seconde j'ai pensé que quoi que ce soit pourrait arriver à ce bébé, je n'en avais même pas informé ma gynéco.
Le lendemain, je suis à la maternité pour ma visite du 5ème mois. J'ai donc pu expliquer la situation au Docteur B., il fait une échographie pour voir comment est le col de l'utérus (pour voir s'il peut supporter un tel voyage) - le col mesure 32 mm et le Docteur B. me dit "bon ben super, vous pouvez y aller sans problème, je vous fais une attestation pour la compagnie aérienne !".
Or en rentrant, je lis sur internet que 32 mm c'est vraiment pas top du tout et que normalement avec un col comme ça je devrais rester allongée sans rien faire au repos complet ! O_O
J'appelle ma sage-femme qui se montre bcp plus prudente : elle me demande si je peux au moins prendre une semaine de break entre l'aller et le retour. Non, je lui réponds que c'est impossible : nous partons mercredi et revenons jeudi soir.
Elle me déconseille alors formellement ce voyage.
Donc j'en suis là... je ne comprends pas pourquoi lui me dit que je peux faire 1000 km avec un col court, elle me dit que chez une multipare 32mm c'est normal et que ce qui compte c'est qu'il soit fermé et tonique, mais que même sans ça, ce voyage est risqué.
Alors qui croire ? Que faire... ?
Eh bien finalement je ne suis pas partie... mon frère et ma soeur sont partis le mercredi sans moi en m'expliquant que de toutes façons, il y avait encore 2h de voiture après le trajet en avion et que donc, d'une façon ou d'une autre, ils ne m'auraient pas laissée les accompagner.
Jeudi après-midi, ma soeur m'a prévenue par texto que la cérémonie était terminée, qu'elle avait été très émouvante, et que mon frère et elle étaient maintenant sur le retour.
J'ai eu A. (l'épouse de Papa) en ligne peu de temps après... elle m'a longuement raconté le déroulement de la journée, les textes lus, les musiques et chansons qui ont rythmé la cérémonie... cette conversation a eu pour effet de concrétiser (dans une certaine mesure) les choses pour moi alors que, n'ayant pas assisté aux funérailles, n'ayant pas vu mon père mort dans son cercueil, etc etc - j'avais plutôt tendance ces derniers jours à faire comme si rien ne s'était passé, comme si je n'avais jamais eu cette info, et que mon père était loin comme d'hab en Polynésie ou ailleurs, sans que nous nous contactions plus que ça.
A la suite de cette conversation j'ai été vraiment super mal.
Mais dès lundi j'ai eu d'autres préoccupations liées à ma santé/grossesse et je suis repassée en mode déni total vis-à-vis de ce décès. Je refuse de penser au fait qu'il soit mort, je ne peux pas, je n'y arrive pas parce que là, tout de suite, mon cerveau est incapable de processer cette réalité sans que je perde totalement les pédales, or ce n'est pas le moment du tout, donc non, voilà. J'y penserai plus tard.
J'ai conscience du fait que pour aborder un deuil de façon saine ça craint complètement, mais là il faut vraiment que je gère une chose à la fois.
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